Sukkwan island

David Vann

Éditions Gallmeister

  • Conseillé par
    2 septembre 2012

    Jim a acheté une cabane sur Sukkwan Island, une île isolée du sud de l'Alaska. Il a décidé d'y passer un an avec Roy, son fils de 13 ans. Avant tout, il s'agit pour lui de changer de vie, de laisser le passé derrière lui et de renouer avec son fils. « Quelque part, il y a eu un mélange de culpabilité, de divorce, d'argent, d'impôts, et tout est parti en vrille. » (p. 12) Jim bouillonne de projets le jour, mais il se laisse aller au désespoir toutes les nuits et s'épanche auprès de son fils. Pour Roy, cette isolation est une folie.

    « Cela semblait impossible. Tout semblait impossible aux yeux de Roy, ils étaient terriblement mal préparés. » (p. 20) Mais le garçon ne veut pas laisser son père, même si sa présence lui pèse. Il pressent qu'un drame va se nouer sur cette île perdue. « Il avait l'impression qu'il était seulement en train d'essayer de survivre au rêve de son père. » (p. 99) Et quand la tragédie survient, l'étouffante Iliade familiale devient une Odyssée funeste et solitaire.

    J'ai frémi à la lecture de ce huis-clos sauvage, de cette captivité en plein air. Ce tragique retour à la nature ne s'accommode pas des besoins inassouvis de Jim, ni de ses angoisses. Le plus effrayant, c'est que ces deux naufragés volontaires ne domptent pas l'hostilité de la nature. En fait, ils se révèlent être l'hostilité même. Ils incarnent un danger qu'ils ne peuvent combattre. Étrangement, cette violence m'a fait du bien et j'ai lu le premier roman de David Vann en quelques heures, fascinée par les puissances troubles qui agitent les personnages. Le père et le fils ne font que se manquer et les retrouvailles tant espérées surviennent trop tard. Pour cet auteur, la famille est une entité malmenée, une structure sans avenir, une source de chagrin.

    Pour une fois, je suis ravie de ne pas avoir lu avec les romans d'un auteur dans l'ordre. Jim et Rhoda sont des personnages de Désolations, le deuxième texte de David Vann, mais l'intrigue se situe en amont de Sukkwan Island. Au moins, les références étaient claires et les fils de l'histoire se nouent sans frustration. Dans Désolations, j'avais été subjuguée par la description de la nature. J'ai compris avec Sukkwan Island que David Vann déploie ce talent dans tous ses écrits. La nature, bien que froide et sauvage, n'est jamais l'élément le plus hostile des romans de l'auteur : ce sont les hommes qui portent et déchaînent le chaos. J'ai aimé ce roman pour sa peinture sans concession des tourments de l'homme. David Vann ne se nourrit pas d'illusions et ses textes ont la puissance des meilleurs romans noirs américains.


  • Conseillé par
    5 février 2012

    Sukkwan Island est un livre effrayant et dérangeant. Un vrai coup de poing ! J'ai trouvé ce texte très dur : outre le fait d'être un huis clos glaçant (ce qui intensifie magistralement le suspense), les sentiments qui se dégagent des personnages et l'histoire sont vraiment terribles !

    D’entrée la tension est palpable et nous fait dire qu’une chose horrible arrive doucement. Pendant tout la lecture, le malaise est présent et on s’attend à chaque mot lu, à chaque page tournée, au drame ! et quand il arrive c’est le choc, l’horreur absolue. Construit en 2 parties (2 points de vue), la première monte crescendo pour ensuite aboutir, dans la seconde, à un déversement de folie et de souffrance, liées à la culpabilité du personnage.

    J'ai apprécié ce premier roman même si la tension, la violence et la douleur qui se dégagent du récit font froid dans le dos. Je pense que la lecture est ici soit noire soit blanche, on aime ou on n’aime pas du tout, mais quoi que vous en pensiez, il vous marquera certainement. Ce n’est pas pour rien qu’il a été couronné par le prix Médicis étranger en 2010.

    Il me tarde de lire le nouveau David Vann : Désolations (304 pages) sorti le 25 août 2011 aux Editions Gallmeister