Usages du faux

Les "faits divers" et les romans criminels du XIXe siècle forment une multitude de récits dont l'usage historique semble malaisé. Produits illégitimes, ils entretiennent avec la vérité une relation douteuse. Si toute utilisation documentaire en semble impossible, cet article tente de mettre en évidence d'autres manières de les exploiter historiquement. Le crime est une construction sociale très complexe, qui ne peut pas être facilement objectivée, et qui apparaît peut-être plus clairement comme un fait culturel dans ces récits indignes. Montrant les figures du risque criminel, les lieux de vulnérabilité sociale et les acteurs de l'ordre public, ces récits constituent une matrice qui structure la perception des réalités criminelles. Les enquêtes, qui deviennent progressivement la structure narrative principale de ces textes, peuvent alors apparaître comme une fiction maîtresse où se lisent à la fois la légitimité et les contradictions de la société démocratique.
La préface du livre montrera combien cet article constitue un programme pour les historiennes et les historiens. Il en appelle à l'extension du matériau historique à des sujets jusque-là jugés illégitimes et il insiste sur la nécessité d'être attentifs à la question textuelle et médiatique. Enfin l'exploitation contemporaine du fait divers par les écrivains gagne à être relue à l'aune de cet article, dans une histoire littéraire longue.